LES "FONDAMENTAUX" DU SARKOZISME : PLAIRE, SATURER, ILLUSIONNER

Publié le par François-Xavier Gaëtan Gelin

Evidemment, la toute première clé qui ouvre la porte à une compréhension de Nicolas Sarkozy, est-il besoin de le préciser ? , c'est le constat d'une volonté farouche de parvenir au pouvoir. Rien que de très classique pour un homme politique, surtout en démocratie, système qui organise et encourage la compétition entre beaucoup d'envieux pour décrocher le pompon suprême. Voilà qui est fait. Il s'agit maintenant de le garder. Comment ? Avec les mêmes recettes qui ont fait leurs preuves.


Plaire : c'est de toute évidence un besoin fort chez le président de la République actuel, peut-être un désir fondateur de sa personnalité. Comme il faut aussi appliquer la doctrine de la "rupture", exercice risqué, dont la conséquence logique doit être de déplaire, tout est dans l'art de ménager la chèvre et le chou.
L'après-midi il condamne à Constantine le "système colonial" qu'il compare à "une entreprise d'asservissement et d'exploitation" et le soir il rend hommage aux harkis "envers lesquels la France a une dette". Pour avoir soutenu une injustice ?
On a du mal à trouver un socialiste d'importance auquel il n'a pas proposé de devenir ministre, ou quelque chose d'autre dans le machin gouvernemental. Il va, non sans un certain courage physique, lorsque l'on sait avec Georges Brassens que "le pluriel ne vaut rien à l'homme et dès qu'on, est plus de quatre on est une bande de c...", au contact des cheminots, des pêcheurs et toujours avec cette rage de convaincre, de séduire, de subjuguer. Et cela marche (presque) toujours, à coups (et à coûts) de concessions.
Il n'en revient pas ce Monsieur Philippe Lemoigne président du comité de crise, au Guilvinec : "Nous n'en espérions pas tant. Sarkozy a repris mot pour mot nos revendications, comme s'il avait fait partie des grévistes".


Saturer : Il se précipite au Tchad pour en ramener des journalistes en mauvaise position. Il envoie une cassette aux cruels guérilleros colombiens pour obtenir la libération d'Ingrid Betencourt. Pour un peu il partirait , comme Tintin ("Nini en Colombie", cela ferait un bel album), en expédition lointaine pour aller la chercher. Chiche ! Il reçoit les familles en deuil, se précipite au chevet des policiers blessés. Il court le monde, vend des avions ici, des métros là. Pour plaire, il faut être sur tous les coups. Il faut saturer l'espace public. Nicolas Sarkozy est accessoirement président de la République. Un peu Premier ministre. Beaucoup ministre, tous portefeuilles réunis. Et passionnément secrétaire d'Etat. Par le style "fonceur", il affiche une allure de chef d'entreprise pressé, stressé, stressant, jeune et dynamique. Quelle santé ! A ce propos, je suis inquiet : à ce rythme va-t-il tenir deux quinquennats, comme il se propose sûrement de les accomplir ?
Fatalement, il sature aussi l'espace audiovisuel. Comment les journalistes pourraient-ils renoncer à faire leur métier lorsque le plus haut personnage de l'Etat s'agite chaque jour sous leurs yeux ?
Etre à la manoeuvre partout, plaire à tous, et prétendre avoir des objectifs clairs et s'y tenir, sont des postures incompatibles.


Illusionner : certains prétendent que Nicolas Sarkozy est guidé dans son action par quelques idées fortes. J'ai démontré (cf. la série de chroniques "QUAND LA GIROUETTE S'EPUISERA") que l'on pouvait en douter chez le candidat. Certes il surnage encore de ses flux logorrhéiques quelques slogans dont le fameux "travailler plus pour gagner plus", sans pour autant d'ailleurs que les recettes employées pour obtenir ce résultat emportent la conviction.
Pour le reste nous assistons au spectacle offert par le mouvement brownien d'un agitateur politique. Et d'un illusionniste de grand talent.
Le peuple français rejette le projet de constitution européenne ? Nicolas Sarkozy en prend acte solennellement, "les Français ont tranché" assène-t-il sur ce ton couperet qu'on lui voit souvent employer et qui ne souffre pas la réplique. Et il s'empresse de proposer au seul parlement d'adopter un traité qui ressemble comme un frère jumeau au texte précédent.
Il a créé un ministère de l'Identité nationale et laissé croire qu'il allait mettre un terme à l'immigration ? Il vante les mérites de "l'immigration choisie" qui s'additionnera à celle qu'il faut qualifier d'indésirable et contre laquelle rien de décisif n'est entrepris.
Il affirme établir un "service minimum" en cas de grève dans les transports en commun ? La formule s'impose mais elle est mensongère. Le "service minimum" peut être un minimum de services et pas de services du tout.
On pourrait multiplier les exemples emblématiques ou discrets qui montrent que les contradictions, les tromperies de la démarche sarkozienne sont légion. Comment s'en étonner ?


Le char de l'Etat conduit par cet homme, dont je ne doute pas, au delà d'une certaine roublardise, qu'il soit sincère, franchement habité par l'idée qu'une mission lui a été confiée par les dieux et qu'il doit l'accomplir, me fait penser à un cheval fou qui partirait dans toutes les directions sans en choisir aucune, semant au passage sa cargaison. Ou mieux encore à un jeune chien excité, tout heureux de s'ébattre en toute liberté, grisé, impatient de marquer son, vaste, territoire, en courant d'un arbre à l'autre pour y déposer un petit pipi sans prendre toujours la peine de contrôler le débit avant de repartir, au risque renouvelé de se mouiller les pattes ; ainsi en se précipitant pour annoncer à la télévision que l'on va vendre 3% du capital d'EDF pour plaire à l'Université, provoquant une opération de bourse mal contrôlée ayant pour conséquence que cette petite liquidation ne rapportera que 3.7 milliards au lieu des 5 réputés acquis. D'une manière plus anecdotique, mais significative, en s'inventant ce qui semble être un faux héros, même si c'est une vraie victime, que le futur président visite à l'hôpital, décore de la médaille du courage et du dévouement, plus tard auquel il téléphone alors qu'il est en vacances au large de Malte, à qui il promet un logement et qu'il invite à la garden-party du 14 juillet ! 


Il y a plus grave : l'Etat, comme François Fillon en a fait l'aveu dans un moment de franchise, bien mal vu à l'Elysée, est en faillite. Mais c'est toujours à plus tard, en 2010 puis en 2012, que Nicolas Sarkozy remet le retour à l'équilibre des finances publiques. Pour parvenir à ce dernier résultat, il faudrait déplaire, se faire plus besogneux que médiatique, promettre "du sang et des larmes" plutôt que de vendre de la poudre de perlimpinpin. Tout le contraire de l'action d'une girouette qui n'est pas encore épuisée et qui lâche, entre autres, 11 milliards d'euros de cadeaux pendant l'été, et en quelques jours de grogne, 30 millions d'euros de subventions aux pêcheurs, 11 millions d'euros pour les étudiants afin d'amadouer Monsieur Bruno Juillard président de l'Unef quand, dans le même temps, 75.8% des étudiants (vote avec huissier),de l'université de Paris-Sorbonne ont rejeté le blocage de leur lieu de travail, et du gros lest dans le débat sur la fin des régimes spéciaux.


Dans ce domaine comme dans d'autres, le réveil pourrait être très douloureux. Pour monsieur Sarkozy sans doute, plus péniblement encore pour chacun d'entre nous. 
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V
Excellent et drôle. De nouveau un excellent article. Merci.V.D.
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F
Merci beaucoup
M
Très bonne description. Je ne sais pas s'il y aura un réveil. Le monde est devenu virtuel et les discours plus importants que la réalité. Le président aime plaire, mais l'opinion aime être flattée. Il y a un peu de gaulisme en lui finallement. Ses discours ressemblent tous au "je vous ai compris" du général. Ils nous a compris et alors ?
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