COMMENT, VOUS NE L'APPELEZ PAS "INGRID" ?!

Publié le par François-Xavier Gaëtan Gelin

Ah! Cette chère Ingrid !
Je vais me laisser aller à la facilité, mais vraiment, si Mademoiselle ou Madame Betancourt, on ne sait plus, n'existait pas, il faudrait l'inventer.
C'est qu'elle a servi et bien servi, aux Farc, à Hugo Chavez, à Nicolas Sarkozy, à Bertrand Delanoë, et à beaucoup de belles âmes qui ont trouvé en elle une source intarissable d'épanchements. C'est à se demander si sa libération n'est pas arrivée un peu trop tôt.


Travailler à obtenir celle-ci, était un puits inépuisable de discours, d'agitations, de trémolos dans la voix, et de démarches plus ou moins risquées qui n'ont pas peu contribué à la maintenir en détention plus longuement encore.
Et "Ingrid" par ci et "Ingrid" par là...Son portrait affiché sur les façades de centaines de mairies, dont elle est "citoyenne d'honneur", c'est tout simplement une héroïne.
C'est qu'elle avait la cote, Ingrid. Grande bourgeoise, et femme libérée, le portefeuille financier à droite, le portefeuille de relations et le coeur suffisamment à gauche, ce sont là d'indispensables attributs, en cas de malheur, pour mobiliser l'intelligentsia et déclencher l'universelle compassion au nom des droits de l'homme qui ne manquent pas de recouvrir ceux de la femme.
Ingrid est née en Colombie en 1961 mais est arrivée en France en 1969 parce que son papa était devenu directeur adjoint de l'Unesco. Maman est une ancienne reine de beauté. Tout ce petit monde cosmopolite vit avenue Foch, une bonne adresse près de l'Etoile où Ingrid, formée à Washington, Paris, Bogota et Londres, forge son ambition, se prenant pour une sorte de Jeanne d'Arc laïque, de devenir présidente de la République de son pays.
Plus tard, quittant mari français et enfants, elle s'installe à Bogota.
La mégalomanie la guette. Elle n'hésite pas  à écrire dans un ouvrage autobiographique  : "Je découvre surtout l'espoir que ma seule présence soulève dans le peuple".
Un an après cette célébration d'elle-même, elle se présente aux élections présidentielles, créditée, peu avant son enlèvement, de... 2% des intentions de vote.
Elle distribue dans les rues du Viagra pour, dit-elle avec un goût très sûr, "redresser le pays". Elle se trompe de combat : ce n'est pas contre la corruption et les narco-trafiquants que les Colombiens veulent qu'on lutte, mais contre les guérilleros des Farc, qui ne sont d'ailleurs pas des révolutionnaires purs des chancres rappelés ci-dessus, et avec lesquels, elle seule, veut négocier.


Ingrid Betancourt n'aurait pas été Ingrid Betancourt, mais une obscure Célestine Dupont (ou Dupond avec un "d", si vous préférez), enlevée par erreur dans une rue de Bogota, native de Jarnac et en mission d'évangélisation, armée d'un crucifix, et, circonstance aggravante, sensible au chant grégorien, je vous fiche mon billet qu'elle aurait croupi jusqu'à la mort dans la jungle hostile, ne bénéficiant que de rituels regrets officiels.
Après tout Ingrid est allée se jeter elle-même dans la gueule du loup, contre toute prudence,  dans un pays qu'elle connaissait bien et pour cause, s'étant qualifiée justement de "gros poisson" pour les Farc.
Des Français, et bien d'autres, en difficulté ici ou là, dans des mains hostiles, et au nombre de 2500 rien qu'en Colombie, méritaient tout autant cet excès d'honneur.
Mais pour Ingrid, il fallait se mettre en quatre. Parce qu'elle était française ? A dire vrai son itinéraire n'est pas clair de ce point de vue là.


Il est évident aussi que dans cette affaire, nous allons de surprise en surprise, à commencer par les circonstances de sa libération.
Nous avions été priés de verser de grosses larmes en contemplant le visage défait de Mademoiselle Betancourt, placée dans l'antichambre de la mort, il y a des mois déjà, et nous avons vu surgir une otage aux bonnes joues et à la mine rayonnante, qui semblait plus revenir d'un périple touristique un peu agité que d'un enfer politique exténuant.
Et puis dès ses premières paroles, elle nous en a compté de drôles : elle a principalement et tout d'abord remercié "Dieu et la Sainte Vierge" pour sa libération qualifiée de "miracle", dit-elle, que "Dieu nous a fait parce que j'ai beaucoup prié" (et le petit Nicolas, alors, il s'est pas décarcassé peut-être ?!). Elle s'est permise de récidiver à plusieurs reprises, émettant le souhait de se rendre rapidement à Lourdes et au Vatican pour rencontrer Benoît XVI, et le remercier peut-être d'avoir prié, pendant qu'on y est ? Sur des images diffusées en novembre 2007, l'AFP décrit Ingrid comme étant "enchaînée". Il se révèle maintenant que c'est un chapelet qui entourait sa main. Tout cela est-il bien digne d'une ancienne distributrice de préservatifs ?
Les médias ne s'y sont pas trompés, qui se sont efforcés de minimiser la réalité ou d'omettre de citer ses propos, dangereux pour la paix laïcarde si chère aux penseurs dominants.


Et puis, au second rang dans la hiérarchie des heureuses interventions, juste après Dieu, elle a placé le président et l'armée colombiens. Nouvelle provocation. Quoi, cet infâme Uribe, mériterait quelques éloges ?
Agaçante leçon : ce responsable, lui, vraiment responsable, qui mène une guerre légitime et résolue contre des voyous qui tiennent sous leur coupe mafieuse une partie du territoire national, a inscrit son action dans le temps et programmé de longue date l'extraordinaire opération militaire qui a conduit à la libération d'Ingrid Betancourt et que celle-ci a qualifié "d'absolument impeccable".
Evidemment il a été plutôt gêné qu'aidé par les gesticulations des Hugo Chavez et autre Nicolas Sarkozy. Il a dû donner le change et adopter des postures de nature à protéger le coup qui se préparait.


 Définir les priorités de l'Etat en fonction des vrais défis posés à la Nation, inscrire son action dans la durée, tenir une position cohérente, faite de fermeté et d'habileté, agir dans la discrétion plutôt que de parler pour ne rien dire et frapper fort le bon moment venu, c'est tout ce que l'on doit attendre d'un vrai chef d'Etat.
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