DERNIERES NOUVELLES DE LA BAUDRUCHE, DE LA GIROUETTE, DES EMBUSQUES ET DE QUELQUES AUTRES, AVANT L'IMPACT
- Il est temps qu'elle se termine cette campagne électorale, soupirent ceux qui font la course en tête depuis des mois, épuisés.
- Il était temps qu'elle débute, se réjouissent ceux qui ont attendu longtemps d'avoir la certitude d'y participer.
Et l'électeur dans tout cela, que pense-t-il ? Il paraît qu'il commence à se lasser. On l'a dit passionné par cette querelle, remplissant les salles de meeting de Marie-Ségolène, Nicolas et d'Olivier, qui n'en revient pas d'avoir contemplé autant de trotskystes assis devant lui, se calant dans son fauteuil devant sa télévision, avide d'émissions politiques. Mais beaucoup cela finit par faire beaucoup trop. En l'occurrence des offres contradictoires tuent la demande. C'est l'indigestion. Et la perplexité grandissante. A écouter tout le monde, ils sont douze quand même à pérorer sur tous les tons, et depuis peu à égalité, on finit par n'entendre plus personne. Il est bien connu que la chose la plus difficile à faire dans la vie, c'est de choisir. Surtout quand on a le choix.
Le suffrage universel écrivit joliment Léon Bloy, c'est "l'élection du père par les enfants". Et qui plus est, par les temps qui courent, non seulement le père ne sait pas trop où il va, mais c'est à ceux auxquels il est censé montrer le chemin qu'il demande sa route.
Chaque semaine des prétendants au trône passent cette petite annonce : "Candidat cherche désespérément inspiration auprès du peuple pour savoir quoi lui déclarer qui puisse lui plaire."
Cette pathétique Marie-Ségolène - on ose à peine encore parler d'elle, éprouvant alors la détestable impression de tirer sur une ambulance, oh ! Que c'est vilain ! - -qui ne sait pas que le régime des Talibans en Afghanistan est tombé depuis plus de cinq ans, ne sait pas non plus quoi inventer pour se faire remarquer. Avec le "contrat première chance" elle ne s'en est pas donné une de rassurer le peuple de gauche. Elle peine, avec son entourage, à expliquer "la philosophie de la chose", comme elle dit.
L'incohérence dramatique de son programme l'oblige à se réfugier dans l'incantation. Périodiquement elle met en avant le fait d'être une femme comme argument électoral. En substance : "Je suis une femme, tel est mon mérite". Il est vrai qu'elle reçoit indirectement le secours de l'Eglise, à bon niveau. Le prédicateur de Benoit XVI, Raniero Cantalamessa n'a-t-il pas souhaité "que s'ouvre pour l'humanité, une ère de la femme" ? Marie-Ségolène se contenterait déjà d'une petite décennie à l'Elysée, à usage personnel. Mais où sont passés Dominique, Laurent, Lionel et François, préposés à la soutenir ? Aux abris sans doute... Même le flambloyant Jack se fait discret. Heureusement pour elle, il y a Jean-Pierre, ce brave Jean-Pierre, tout heureux d'être de plus en plus influent.
Nicolas est comme le potache sortant de l'épreuve de philosophie au baccalauréat qui proclame, tout sourire : "J'ai tout dit !", au risque d'être hors sujet. Il paraît que maintenant il doit surtout consacrer les derniers jours de son marathon à "rassurer", à gommer l'image du "méchant" qui lui colle à la peau. Azouz Bégag n'a pas l'air décidé à l'aider qui révèle que Nicolas l'aurait menacé de lui "casser la gueule" et lui aurait dit qu'il est "un connard, un salaud".C'est un peu violent, non ?
Tout dit ? Pas encore si j'en crois Le Figaro Magazine du 14 avril qui titre en "une" : "Nicolas Sarkozy ce que j'ai encore à vous dire". Vous êtes sûr que c'est indispensable Nico ? Et qu'apprend-t-on ? Qu'il est "concentré", qu'il n'a "jamais été nerveux", "tout ce que j'ai dit, je le ferai" (alors là, vous avez le choix entre : chiche ! ou aïe ! ), aux Français "je ne mentirai pas, je ne les décevrai pas, je ne les trahirai pas " (présomptueux, va !). Au passage les jeunes des quartiers "difficiles" se voient promis un "plan Marshall 2" et il s'engage "à ramener en cinq ans le chômage à 5%". Rien que cela. Quand on aime tant, surtout à quelques jours du premier tour, on ne compte plus.
On lit là que Nicolas assume d'être de droite. Mais on lit ici qu'il s'en défend : "Parler de la nation ce n'est pas se trouver à droite... parler du travail, ce n'est pas se trouver à droite... parler d'identité, ce n'est pas non plus être à droite". Mais alors, chère girouette impénitente, où êtes-vous donc ?
François a lui aussi besoin d'exister. Que faire quand le doute s'installe ? Proposer de supprimer l'ENA, par exemple, mesure urgente et capitale s'il en est... préconisée par d'autres il y a déjà bien des années. Raté.
Jean-Marie lui, relance sa mécanique en allant faire un petit tour sur la dalle d'Argenteuil, sans trop de contestation sur place. Il est vrai que c'est d'autant plus facile qu'il ne croise pas grand monde. Puis il lance une de ces petites attaques dont il a le secret : lui est le candidat qui vient du terroir et Nicolas celui qui vient de l'immigration. Pas très élégant mais pas tout à fait faux. Et cela occupe tout le microcosme politique pendant deux à trois jours.
Et quoi après tout cela ? On meuble comment d'ici le 20 avril, minuit ? Ce qui est frappant dans cette campagne qui se situe non pas au ras des pâquerettes, mais bien en-dessous, au coeur des racines, c'est cette absence de projet, de vision, remplacée par des catalogues de mesures de ministres et de secrétaires d'Etat, fluctuantes, adoptées et adaptées au gré de l'influence du moment et des études de marketing politique. On teste des idées, des slogans, des postures, tantôt dits "de droite" tantôt réputés "de gauche" auprès du consommateur-client-électeur.
- Et comme ça vous m'aimez plus ? Est-ce que si je rajoute une pincée de démagogie anti-patronale ou d'identité nationale, j'ai meilleur goût ?
Ceux qui semblent camper sur des hauteurs mieux définies, peu importe qu'elles soient contestables, Philippe, Arlette ou Dominique, n'existent pas.
A ceux qui ont une chance de figurer au second tour de cette élection, on voudrait demander : mais quelle étoile vous guide ? Quel destin voulez-vous pour la France ?
Ils se trompent lourdement en ne répondant pas à ces questions ce qui supposerait de regarder en face les vrais défis que doit surmonter ce vieux pays. Il est vrai que l'on peut aussi se poser cette question : à leurs yeux, ce vieux pays existe-t-il encore ?
Ils retardent l'échéance mais ils collaborent ainsi à l'arrivée du pire.
Le risque est grand que ce soit un tout petit monsieur ou une toute petite dame qui devienne président de la République française le 6 mai prochain.
"Le poisson pourrit par la tête." Proverbe chinois.