INTEGRATION ET ASSIMILATION

Publié le par François-Xavier Gaëtan Gelin

Ce n’est pas le fruit du hasard : le mot « assimilation » a disparu du langage relatif aux questions soulevées par l’immigration, au profit exclusif de celui d’« intégration ». Monsieur Brice Hortefeux est, entre autres, ministre de l’intégration. Le fait d’accoler à ce mot, dans son titre à rallonge, l’expression « Identité nationale » ne suffit à contrebalancer cela par ceci. L’assimilation, ayant mauvaise presse, a plus sûrement encore disparu du langage des média.
 
Assimiler, c’est rendre semblable. Intégrer, ce n’est qu’incorporer.
 
 
La société française n’assimile plus, ou très mal, depuis de nombreuses années. Quoi qu’on en dise, s’incorporent cependant en son sein des communautés exogènes qui maîtrisent un certain nombre de nos mécanismes nationaux, même si tous leurs membres ne bénéficient pas du meilleur accueil.
 
Ces derniers savent d’ailleurs que leurs conditions de vie restent bien meilleures en France qu’elles ne le seraient s’ils étaient restés dans leur pays d’origine, quelques tribulations ils aient à subir. Sinon, comment comprendre que, toujours aussi nombreux, clandestinement pour une bonne moitié parmi ceux qui s’installent sur notre sol, parfois au péril de leurs vies lors de voyages dangereux, ils se dirigent vers la France, mus par un véritable tropisme ?
 
Mais notre pays n’est plus cette patrie que l’on veut faire sienne ; il est devenu un territoire que l’on occupe, un pourvoyeur d’avantages dont on profite, un vivier de droits dont on réclame de jouir.
 
La fierté de devenir français, avec humilité, se perd ; l’intérêt de tirer parti de la France, avec arrogance, s’accroît.
 
 
Depuis de nombreuses décennies, la France est devenue un grand pays d’importation de populations nouvelles. Longtemps ceux qui sont venus se sont appelés Lopez, Rodrigues, Antonioni, Kasinsky. En arrivant en France, ils ont eu le désir, sinon pour eux-mêmes, du moins pour leurs enfants, de devenir français, pleinement français, par amour et reconnaissance envers leur pays d’adoption, et parfois avec plus de zèle dans l’adhésion que bien des nationaux de souche. S’ils se prénommaient Jésus, José, Luigi ou Karol en débarquant, leurs enfants ne se faisaient pas connaître à l’école autrement que par les noms de baptême de Jacques, Philippe, Sophie et Brigitte. A la consonance du patronyme près, qui pourrait distinguer leurs petits-enfants de ceux des Chassagne, Brunet, Marchand et Martin ?
 
Même natif d’Algérie, il fut un temps où un Monsieur Mimoun s’appelait Alain et portait sa fierté d’être français en bandoulière avec sa médaille olympique. Et « Isabelle » se mariait volontiers avec « Adjani ». Qui ne jugerait qu’Yves Montand fut un vrai chanteur « bien de chez nous », dans la « meilleure tradition française ». Pourtant, à Marseille, dans les années vingt du siècle dernier, sur les bancs de l’école primaire, il n’était qu’Ivo Livi.
 
La France qui les a accueillis croyait encore en elle. Elle était assimilatrice par fonctionnement naturel. Ils ont donc cru aussi en elle. Eux réclamaient d’être assimilés. Ils voulaient - au sens le plus fort de ce verbe - devenir français, se fondre dans la masse, sans revendiquer, et plus ou moins consciemment, en coupant les ponts avec leurs racines. Max Gallo raconte que lui, le petit immigré devenu niçois, répondait à ses cousins restés italiens qui réclamaient : « Nice est à nous », par un « Vive la France ! », en entonnant la Marseillaise. En tout état de cause, ils rompaient avec leur passé. Et souvent, de fait, ils partirent se battre, avec ardeur, pour la France, versant ce sang dont ils pressentaient sans doute avec Maurras que lui seul nationalise. Quel beau symbole que le dernier « poilu » encore vivant de la Première Guerre mondiale, 110 ans, s’appelle Lazare Ponticelli, d’origine italienne et naturalisé en 1939.
 
 
Nous savons en quoi les Lopez, les Rodrigues, les Antonioni et les Kasinsky étaient assimilables. Mais ils n’auraient pu l’être sans une société prête à les assimiler. La plus grande faille dans le processus actuel, c’est que cette société-là est moribonde. Elle est atteinte d’affreuses maladies qui sont le doute de soi, la disparition de valeurs partagées, la soumission aux idéologies mondialistes. Dès lors il n’est plus question d’assimiler. Imaginez un « ministère de l’Assimilation ». Presque tous les bureaux des salles de rédaction seraient souillés de vomissures. Il est vrai que ce serait une bien étrange chose. Un ministère de temps de crise, d’urgence, un signe de mauvaise santé, comme il y a eu des ministères de la Reconstruction après les guerres.
 
 
Arrivé ou né en France, célibataire, un Jesus Lopez épousait souvent une Antoinette Durand. Leur fils, Jacques, faisait son service militaire dans les chasseurs alpins. Aujourd’hui, le Français de papier, Ahmed Boualane, préfère épouser une fille dite « du pays » (un aveu de taille), Aïcha Bouzid, garantie vierge, qu’il importe, et leur fils Mustapha aura la double nationalité.
 
Bien sûr, il est des Kamel et des Mamadou qui s’expriment dans un français correct voire châtié, et qui présentent tous les signes d’une véritable assimilation. Ils ne sont pas légion ainsi, car d’autres sont beaucoup trop nombreux à s’entasser dans un pays saturé, impuissant et sans volonté. Surtout se sentent-ils vraiment français ? On peut parfois en douter, malgré tout.
 
 
Au demeurant, je ne leur jette pas la pierre. Outre que la France est la première responsable de cette situation, j’imagine le trouble du déraciné. Je comprends que l’enfant de harki, qui a grandi dans le Val-d’Oise, dont le père est montré du doigt par les autorités du pays situé en face du nôtre, de l’autre côté de la Méditerranée, qui est honnête et travailleur, mais « assimilé » - pour le coup, c’est le mot – par Madame Dupont aux fauteurs de troubles de banlieue, finisse par haïr son destin et détester la France qui a, mal, recueilli son géniteur.
 
Je conçois que Rama Yade, toute secrétaire d’Etat qu’elle soit du gouvernement de François Fillon, se demande ce qu’elle ferait si elle avait à choisir entre la France et le Sénégal. Dans le livre de Jacqueline Remy publié en octobre 2007, Comment je suis devenu français, elle témoigne que « à cette époque [avant ses 18 ans] je me disais souvent que, s’il y avait une guerre entre le Sénégal et la France, je choisirais mon pays d’origine. Aujourd’hui, je ne sais pas. » Elle confesse aussi : « Pourquoi me ferais-je enterrer seule dans un cimetière des Hauts-de-Seine, alors que je peux être dans un endroit si reposant, au soleil, avec les miens. C’est là que je dois revenir quand je serai morte. »
 
Pourtant, dans le Figaro Magazine du 26 janvier 2008, elle proclame : « Je suis fière d’être française », mais elle ajoute, non sans ambiguïté : « Ce pays ne s’est pas imposé à moi. Je me suis imposée à lui. » Pour être libre, un jour, de le renier ?
 
 
Si comme je l’ai défendu dans une chronique précédente, il y a « de la sagesse à rester, durablement, chez soi », il y a de la sagesse, étant allé s’installer ailleurs, à faire, au moins pour le commun des mortels, de cet ailleurs, son nouveau, et durable, « chez soi ».
 

Publié dans Autres chroniques

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B
Bravo pour vos posts.Peut-être ces alexandrins vous inspireront un nouveau post ?http://delanoe-illusionniste.hautetfort.com/
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