L'ISLAM (19)

Publié le par François-Xavier Gaëtan Gelin

L' Islam fut très tôt divisé, comme notre précédente chronique le laisse bien entendre. 
Mais, outre que le Coran constitue le plus petit dénominateur commun à tous les musulmans, et quel dénominateur ! doit-on s'écrier aussitôt, tant ce texte fort, impératif, fixé et sacré fait référence, il faut noter que les querelles intra-islamiques portent moins sur la doctrine que sur la primauté de telle ou telle autorité politico-religieuse. Plus exactement les discussions, souvent violentes, et portant parfois sur le sexe des anges, ne sont principalement que l'occasion d'une fondation ou de la consolidation d'un pouvoir.
C'est sans doute pour cela que les musulmans se sont toujours étripés gaillardement tout en sachant faire face ensemble à l'ennemi, à l'infidèle.


La division majeure, généralement bien connue d'un vaste public mondial, et singulièrement mise à l'honneur, si l'on peut s'exprimer ainsi, par la tragédie irakienne actuelle, est celle des sunnites et des chiites (mais l'on constatera dans ce malheureux pays l'accord profond de tous pour haïr la présence américaine dont l'intervention a pourtant permis aux chiites majoritaires, guère reconnaissants, de prendre le pouvoir. Pauvres américains naïfs qui pensaient, semble-t-il de bonne foi, être accueillis, triomphalement, en libérateurs !) Cette division est avant tout et d'abord historique.
Mahomet est mort sans avoir réglé la question de sa succession, sans laisser en particulier d'héritier mâle.
Revendiquent alors le pouvoir sur la jeune communauté, Ali ibn Abi Taleb cousin et gendre de Mahomet (dont il a épousé la fille Fatima) et le clan d'Aïcha l'épouse favorite de Mahomet laquelle a toujours détesté Ali.
Le père de celle-ci, Abou Bakr prend la tête de la Oumma (la communauté des musulmans du monde entier). Lui ne peut revendiquer le même lien du sang, mais il a des arguments en sa faveur : il est un des premiers disciples de Mahomet et lui a été fidèle jusqu'au bout ; ce dernier lui a confié d'importantes responsabilités dans l'organisation de l'Islam à Médine ; avant de mourir il l'a désigné comme imam pour diriger la prière.
Abou Bakr sera le premier calife. Le troisième, Othman (Cf. L'ISLAM   [14]), meurt assassiné avec, peut-être, la complicité d'Ali. En tout cas celui-ci est élu au califat, élection aussitôt contestée par le gouverneur de Damas, Mouawiya, parent d'Othman. Ils se livrent bataille. Un arbitrage les départage, Mouawiya l'emporte, devient calife et fonde la dynastie des Omeyyades. Des partisans d'Ali se dressent contre ce dernier pour avoir accepté cette procédure. Ali les anéantit mais il est lui-même assassiné. Un fils d'Ali, Hussein, qui refuse de faire allégeance à Yazid, fils de Mouawiya, est décapité.
Les vainqueurs de cet affrontement sanglant et à épisodes sont les sunnites (de Sunna, voir l'ISLAM [18]). Ils constituent l'immense majorité des musulmans (90% environ). Les vaincus sont les descendants des partisans d'Ali, les chiites (de chia, "être partisan de").Sunnites et chiites sont eux-mêmes subdivisés en plusieurs tendances.
Bien sûr ces distinctions renvoient à des points de vue différents sur tel ou tel aspect de la loi islamique et, par exemple, sunnites et chiites n'ont pas la même définition de ce que doit être un imam. De même l'Islam ne manque pas de théologiens francs-tireurs plus ou moins acceptés au sein d'une "école" ou créateur d'un courant de pensée nouveau.
Mais les schismes reconnus ayant donné naissance à beaucoup de sectes, annoncées d'ailleurs par Mahomet lui-même, lucide, qui avait dit : "Ma communauté se divisera en 73 fractions dont une seule sera sauvée" (il est cependant compliqué pour les spécialistes musulmans de parvenir non artificiellement à un tel chiffre dans le dénombrement), sont d'abord le fruit de différents politiques et non doctrinaux.


Au demeurant, peut-on parler de schisme dans une religion sans hiérarchie ayant mission de veiller sur le dépôt de la révélation coranique, sans conciles fondateurs ou refondateurs, sans liturgie et sans clergé ?

(à suivre)

Publié dans L'ISLAM

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