GUY MOQUET : MAUVAISE PIOCHE

Publié le par François-Xavier Gaëtan Gelin

Nicolas Sarkozy, conseillé, pour ne pas dire cornaqué, par Henri Guaino, la plume du président, -homme normalement de l'ombre, en l'occurrence ne détestant pas le soleil des projecteurs puisqu'il se répand volontiers pour commenter l'actualité, celle de son maître et celle des ministres du gouvernement-, a décidé d'imposer la lecture de la lettre que le jeune Guy Môquet adressa à ses parents peu avant d'être fusillé, à 17 ans, par les Allemands.


On accordera au président de la République de penser de lui qu'il a été sincèrement ému, "profondément bouleversé", dira-t-il, par le contenu de cette dernière missive avant la mort. Qui ne le serait ?
On ne se posera pas, ici, la question de la légitimité, en soi, de la décision présidentielle. C'est un débat particulier qui renvoie à d'autres considérations et que j'aborderai peut-être un autre jour.
Le but poursuivi, officiellement, exalter l'esprit de résistance, de sacrifice, en faveur d'un bien jugé supérieur, la patrie, ne sera pas commenté ici. On ne spéculera pas non plus sur les calculs politiciens réels ou supposés que cache cette opération de communication.
Non, on accepte cette volonté telle quelle et on examine le choix de Nicolas Sarkozy à la seule lumière, assumée, de toutes les bonnes intentions affichées.


Alors, ... monsieur le Président, quelle erreur d'appréciation !
Cette lettre est d'ordre privé. C'est l'adieu d'un gosse à ses parents. Elle aurait pu être écrite, pour l'essentiel, par n'importe quelle victime d'une catastrophe naturelle, provisoirement vivant, mais assuré d'être perdu. Elle ne dit rien sur la résistance. La faire lire, qui plus est sans tenir compte des programmes, est artificiel. Un professeur d'histoire-géographie note (Le Figaro du 15.10.07) : "Parler de Guy Môquet avec mes secondes, qui étudient actuellement la Grèce antique, est aberrant. Les élèves, qui ont tendance à manquer de repères temporels, vont tout confondre".


Surtout, le choix est douteux. Guy Môquet n'est pas politiquement neutre. Ce n'est pas le "résistant inconnu". C'est un militant, actif, fils du député communiste Prosper Môquet. Le jour de son arrestation, le 15 octobre 1940, il porte sur lui un texte qui, à propos de prisonniers de son bord, proclame (extraits) : 

                                      "Vous serez bientôt libérés
                                        Par tous vos frères d'esclavage
                                        Les Traîtres de notre pays
                                        Ces agents du capitalisme
                                        Nous les chasserons hors d'ici
                                        Pour instaurer le socialisme
                                        Main dans la main Révolution
                                        Pour que vainque le communisme"

Le Parti Communiste Français, totalement inféodé à Moscou, a approuvé le pacte germano-soviétique de 1939. Ce pacte rompu, en 1941, quand Hitler envahit l'Union Soviétique, les communistes se découvrent une vocation de résistants et oublient le temps où ils demandaient poliment aux occupants allemands, alors fréquentables, le droit de publier à nouveau L'Humanité.
Parmi les actions qu'ils se vantent de mener il y a l'exploit d'abattre, au hasard, des militaires gradés. Acte imbécile entre tous. A Nantes, c'est le sort réservé au commandant des troupes d'occupation de Loire-Atlantique. Peut-on imaginer, un seul instant, une réponse "modérée" de la part d'un Adolf Hitler ? Celui-ci exige une répression sévère et c'est ainsi que 50 prisonniers, dont Guy Môquet, seront fusillés. Sacrifiés pour rien, victimes d'une stupide conception de la résistance et d'un parti qui tenait à se refaire une virginité et une gloire, celle d'être le "parti des 75.000 fusillés".


Guy Môquet, il faut avoir le courage de l'écrire, n'est pas d'abord la victime innocente des Allemands, il n'est pas un héros de la résistance, en tout cas pas de celle dont on parle à son propos, lui qui fut arrêté pour distribution de tracts dirigés contre le "grand capital".
Il n'est que la pauvre victime adolescente d'une idéologie, d'un absurde et tragique épisode d'une histoire truquée.
Dès lors, lire cette lettre n'a aucun lien avec le but recherché, c'est un exercice d'un intérêt marginal.
Encore une fois, on baigne dans la compassion sentimentale et rien de mieux.
         

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V
Sauf erreur de ma part, Guy Môquet a été arrêté et condamné par les Français...Et à l'époque où il fut arrêté, le pacte germano-soviétique n'avait pas été rompu. Il n'est donc pas un résistant comme on cherche à nous le faire croire aujourd'hui.V.D.
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F
C'est tout à fait exact. Il a été arrêté par les Français, le Parti Communiste étant interdit.Le choix de Nicolas Sarkozy, celui de M Guaino surtout, est donc "à côté de la plaque". Cela n'enlève rien au courage de ce jeune garçon face à la mort certaine.